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Caroline von Nicolai 9 9 Pàgs. 75-90 Universitat de Lleida ISSN: 1131-883-X www.rap.cat Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée D’un certain nombre de sites fortifiés du deuxième âge du Fer en Europe tempérée proviennent des dépôts associés directement aux remparts, qui se composent entre autres d’objets métalliques (armes, outils, lingots, éléments de char et de harnachement, ustensiles de cuisine, monnaies etc.), de squelettes ou de parties de squelettes humains, d’ossements animaux et de représentations figurées. Ces vestiges sont souvent interprétés comme cachettes d’objets de valeur ou comme stocks de métal destinés à la refonte, enterrés en prévision d’une récupération postérieure mais restés sur place pour des raisons inconnues, témoignant ainsi des crises et des guerres pendant les derniers siècles avant notre ère. Néanmoins, en étudiant d’une façon plus détaillée les contextes de découverte de ces dépôts, d’autres hypothèses s’imposent, qui mettent l’accent sur les fonctions symboliques voire rituelles des remparts à la fin de l’âge du Fer. Sans prétendre dresser un bilan exhaustif, la contribution présentera quelques exemples pour montrer la complexité du phénomène. On a number of Late Iron Age hillforts in temperate Europe hoards and special deposits have been found in close association with ramparts, consisting for example of metalwork (weapons, tools, currency bars, fittings of chariots, horse harness, kitchen implements, coins etc.), human remains or skeletons, animal remains, statues and statuettes. These finds are often interpreted as caches of valuables or stocks of scrap metal waiting to be melted down, temporarily hidden in the ground to be recovered later but remaining buried for unknown reasons, indicating thus conflicts or wars during the last centuries BC. However, by focusing on the contexts of discovery of these hoards, one may assume other hypotheses, which emphasise the symbolic or rather ritual aspects of the Late Iron Age fortifications. Without trying to be exhaustive this paper presents some selected examples to show the complexity of the phenomenon. Key words : hoard, deposit, Late Iron Age, hill-fort, boundary. Mots-clefs : dépôt, deuxième âge du Fer, fortification, limite. « It is often claimed that material objects are mute, that they do not speak, so how can we understand them ?... Archaeology is concerned with finding objects in layers and others contexts (rooms, sites, pits, burials) so that their date and meaning can be interpreted. As soon as the context of an object is known it is no longer totally mute. Clues as to its meaning are given by its context. » (Hodder, Hutson 2003: 4-5) Introduction À la fin de l’âge du Fer, au IIe et au Ier s. av. J.-C. (La Tène C 2 – D1), l’usage du métal, surtout celle du fer, se généralise au sein des habitats en Europe tempérée, non seulement dans les oppida fortifiés et les agglomérations ouvertes, mais encore, dans une moindre mesure, dans les fermes et petits villages. Cette omniprésence du métal et l’augmentation de sa quantité se manifestent à travers les objets utilisés dans la construction des maisons ou des meubles, les outils (artisanaux, agricoles ou domestiques), les déchets de forge ou encore les petits objets liés à la vie quotidienne et personnelle des habitants comme les parures, les éléments de toilette ou les ustensiles de cuisine. Ce mobilier métallique est souvent réduit à l’état de petits fragments, montrant de fortes traces d’usage et semble avoir été perdu ou rejeté dans des dépotoirs (Orengo 2003: 200-207). La découverte d’objets métalliques sous forme de dépôt – c’est-à-dire un ou plusieurs objets déposés délibérément au même moment au même endroit – sur un certain nombre d’habitats de La Tène finale est d’autant plus intéressante. Néanmoins, mis à part quelques trouvailles spectaculaires comme les dépôts en milieu humide (par exemple La Tène 2007: 12-77, Schönfelder 2007: 463-472), les trésors monétaires ou les dépôts contenant 75 Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée des objets en métal précieux (par exemple Fitzpatrick 2005: 157-182), les dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée ont peu attiré l’attention des chercheurs (Bataille, Guillaumet 2006: 6-7). Notamment ceux recensés dans des sites fortifiés n’ont pas encore fait l’objet de recherches approfondies, à de rares exceptions près (Buchsenschutz, Ralston 2007: 757-776, von Nicolai, Buchsenschutz: en préparation). De plus, deux constatations s’imposent : premièrement, les dépôts retrouvés en contexte d’habitat sont presque toujours interprétés comme des « trésors » ou des « cachettes » enfouis volontairement dans le but d’être récupérés plus tard. Leur redécouverte fortuite après deux mil ans est donc, dans cette optique, mise en relation avec la tragique disparition des propriétaires, survenue pendant des périodes de crise ou de guerres, par exemple des troubles « interceltiques » ou la fameuse invasion des Cimbres et des Teutons en Gaule à la fin du deuxième siècle av. J.-C. (Kurz 1995: 113. 121). Deuxièmement, les études se sont souvent limitées à l’analyse typologique de la composition de ces ensembles, en négligeant les dépôts non-métalliques, composés par exemple de céramiques (Jud 2006: 130). Le milieu exact de découverte ne joue, en revanche, qu’un rôle secondaire dans la plupart des travaux portant sur les dépôts du deuxième âge du Fer, bien qu’une multitude d’emplacements par rapport aux structures mises au jour soient en théorie possibles : dans des puits, des silos de l’habitat ; près des remparts ; associés aux portes etc. Pour comprendre leur fonction, l’étude du mobilier au sein du contexte d’où il provient nous semble pourtant tout à fait essentielle. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’une « contextualisation », voire d’une « récontextualisation » des objets arrachés par les archéologues – ou pire par des chercheurs de trésors – à leur contexte, dans lequel ils doivent être interprétés, même si l’approche « contextuelle » présentée ici n’a que peu en commun avec la contextual archaeology développée par I. Hodder, un des représentants les plus importants de l’archéologie post-processuelle anglo-americaine (Hodder 1987: 1-19, Hodder, Hutson 2003: 156-205). Une telle approche se heurte pourtant à un problème de source. Beaucoup des dépôts provenant des sites fortifiés du deuxième âge du Fer en Europe tempérée ont été découverts par hasard, par exemple en arasant un mur pour extraire des matériaux de construction ou pour construire des routes, et très tôt, au XIXe ou dans la première moitié du XXe siècle. Par conséquent, les circonstances de découverte – la position et la disposition des objets, la présence d’un contenant, etc. – sont souvent mal, voire pas du tout documentées. Ces dernières décennies, cette situation s’est encore détériorée avec l’utilisation massive des détecteurs à métaux par les fouilleurs clandestins. Cependant, un certain nombre de dépôts sont suffisamment bien documentés pour pouvoir étudier les objets non pas de façon isolée, mais dans leur contexte précis. L’objectif de cette contribution, issue d’un travail de thèse encore en cours, n’est donc pas de présenter un recensement exhaustif de tous les dépôts du deuxième âge du Fer rencontrés en Europe tempérée. En revanche, elle tentera d’esquisser une 76 méthodologie qui pourrait servir à mieux comprendre les fonctions des dépôts provenant des sites fortifiés. Dans ce but, elle se concentrera uniquement sur les découvertes associées aux portes et aux fortifications elles-mêmes. Les dépôts situés dans des trous de poteau ont en effet récemment fait l’objet d’un examen critique (Trebsche 2008: 67-78). Les sites du deuxième âge du Fer pris en compte dans cette étude sont localisés entre la France à l’ouest et la Slovaquie à l’est, entre les Alpes au sud et l’Allemagne centrale au nord. Ils datent tous de la période de La Tène, entre le Ve et le Ier s. av. J.-C., et notamment de La Tène moyenne et finale (La Tène C et D), bien que la présence de dépôts soit attestée sur des sites fortifiés au moins dès le début de l’âge du Bronze en Europe tempérée (von Nicolai, Buchsenschutz: en préparation). Parmi les fortifications étudiées figurent non seulement les grands sites à caractère urbain dits oppida qui englobent une surface de plusieurs dizaines voire centaines d’hectares, caractéristiques de La Tène finale, mais encore des monuments d’une taille beaucoup plus réduite dont la surface n’excède pas deux ou trois hectares. Une partie de ces fortifications est constituée par de simples levées de terre, mais la plupart se caractérisent par la présence de remparts avec un parement en pierre sèche à l’avant, un poutrage interne en bois rempli de terre et de pierres et une rampe en terre à l’arrière. Selon la technique de construction employée, ces derniers sont divisés en deux grands groupes: d’un côté, les remparts à poteaux frontaux verticaux (Pfostenschlitzmauer), de l’autre, les remparts à poutrage horizontal (murus gallicus). Ces murs sont en général précédés d’un large fossé (Buchsenschutz, Ralston 1981: 24-35, Fichtl 2000: 40-54). Méthodes pour l’identification des dépôts La première question méthodologique qui se pose est l’identification des dépôts en contexte d’habitat. Comment peut-on faire la différence entre, d’un côté, les rejets domestiques et artisanaux et les pertes accidentelles, et de l’autre, les dépôts ? En l’absence de textes pour l’Europe septentrionale à l’âge du Fer, ce sont seulement la répartition et l’état de conservation du mobilier à l’intérieur d’un habitat qui peuvent nous révéler la fonction de celui-ci. En général, les restes des activités domestiques, agricoles ou artisanales – ossements animaux issus des cuisines et des boucheries, céramiques et outils métalliques brisés, inutilisables, usagés, périmés et non réparables, déchets de production etc. – sont soit transportés à l’extérieur de l’aire résidentielle ou évacués dans des fosses ou des fossés ; soit ils traînent pendant une période plus ou moins longue à la surface du site avant d’arriver fortuitement dans les structures en creux. Il en résulte que les déchets se caractérisent normalement par une répartition aléatoire. Un dépôt, par contre, est le produit d’un acte intentionnel. Son emplacement, son contenu et l’état des objets ne sont, par conséquent, pas dus au hasard, mais suivent des règles (Fontijn 2002: 37-38). Pour identifier des actes intentionnels et caractériser les dépôts associés aux Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée fortifications, les critères suivants doivent donc être pris en considération: a) Le lieu de la découverte, c’est-à-dire la position des objets par rapport aux remparts. Ils peuvent être retrouvés sous la fortification, dans l’architecture de la fortification, à la surface de la fortification ou à proximité de la fortification. b) Le moment de la constitution de l’ensemble. Des vestiges d’habitat antérieurs ou des tombes plus anciennes peuvent se trouver au-dessous d’une fortification si celle-ci s’est installée sur un terrain déjà fréquenté auparavant. D’autres objets, en revanche, peuvent directement être mis en relation avec les travaux de construction ; d’autres encore y ont été apportés après les travaux de construction, soit pendant l’occupation du site, soit après son abandon. c) La constitution de l’ensemble. Il faut faire la distinction entre deux types de dépôts : d’un côté, les concentrations d’objets déposées en une seule fois, c’est-à-dire des ensembles clos, dits « hoards » en anglais. De l’autre, il existe aussi des concentrations d’objets plus lâches, qualifiées de « special deposits » en anglais, qui ont été constituées en plusieurs fois voire successivement durant un laps de temps plus long (Buchsenschutz, Ralston 2007: 751). d) La réversibilité ou l’irréversibilité de l’ensemble. Un dépôt est réversible si les objets qu’il contient sont facilement accessibles et peuvent être repris sans problème. Il est irréversible s’il est impossible d’accéder aux objets après la constitution du dépôt. e) L’aménagement des objets. Ils peuvent être localisés en pleine terre, mais aussi dans un récipient comme un coffre en bois, une caisse en pierre ou un contenant en matière périssable. f) La disposition des objets. Ils montrent parfois une organisation particulière, étant mis en rond, empilés l’un dans l’autre etc. g) Le nombre d’objets présents. Un dépôt est normalement composé de plusieurs objets, mais il existe aussi des objets isolés, dont l’abandon volontaire est évident, qualifiés en allemand de « Einzelfund » (« trouvaille isolée ») (Görmer 2002: 89). h) La composition de l’ensemble. Plusieurs catégories fonctionnelles sont distinguées (pour de différents essais de classement voir Guillaumet, Nillesse 2000: 255; Guillaumet 2003: 83-84, Bataille 2008: 24-39): — La production artisanale: outils à usage artisanal, lingots, demi-produits, déchets de fabrication, ébauches, moules, etc. — La production agricole: outils à usage agricole, pierres à aiguiser, moulins, haches etc. — Les activités domestiques et la consommation: ustensiles de cuisine, vaisselle métallique, vaisselle céramique, amphores, grils, brochettes, couteaux etc. — Les objets personnels: parure, éléments de toilette et de vêtement. — L’armement offensif et défensif: épées, fourreaux d’épées, boucliers, armes d’hast, cottes de maille, chaînes de suspension etc. Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X — La quincaillerie et l’instrumentum: pièces des meubles et des coffres et pièces incluses dans la construction (clous, agrafes à bois, anneaux, clefs etc.) — Le transport: pièces de char et de harnachement (mors de cheval, phalères, bandages de roue, clavettes, renforts de moyeu etc.). — Le commerce et les échanges: monnaies, poids, balances etc. — Les représentations figurées: statues et statuettes. — Les squelettes humains et les ossements humains isolés: les êtres vivants pouvant également faire l’objet d’un dépôt intentionnel en contexte d’habitat, d’autres éléments à étudier s’ajoutent. Ce sont le rite de sépulture, l’âge, le sexe, l’orientation et le traitement de l’individu et le mobilier associé au défunt pour les squelettes; le choix des parties du corps, les altérations post mortem (traces de coupe, de carnivores ou d’intempéries), ainsi que le mobilier provenant de l’environnement immédiat pour les parties de squelette isolées. — Les squelettes animaux et les ossements animaux isolés: à part les critères mentionnés pour les squelettes et les parties de squelettes humains, il faut aussi prendre en considération le choix des espèces animaux. — Les objets indéterminables et non-classables dont l’état de conservation ou le caractère multi-usage ne permettent pas d’identification assurée. i) L’état ou le traitement des objets. Ils peuvent être neufs ou usés, achevés ou semi-finis, complets ou brisés, mutilés et altérés par l’action du feu etc. L’absence de petits éléments – tels que les clous ou les rivets pour les objets métalliques ou les dents des crânes humains et animaux – et l’altération de la surface des objets par l’action des intempéries ou les activités des carnivores peuvent indiquer une exposition prolongée des objets à l’air libre avant la constitution de l’ensemble. j) La datation. Il est possible que tout le mobilier d’un dépôt date de la même époque, mais également qu’un tel lot réunisse des objets de différents horizons chronologiques, rassemblés pendant une période plus longue. Plus l’on réussit à mettre en évidence de critères valides révélant un traitement particulier, plus il est probable que l’ensemble identifié soit un dépôt intentionnel (fig. 1). Pour comprendre la fonction des dépôts intentionnels ainsi mis en évidence, il semble ensuite utile de les classer selon leur position stratigraphique par rapport à la fortification (fig. 2): 1. Les dépôts sous la fortification. Ce sont des ensembles clos en position primaire et irréversible. Les objets ont été placés sous le rempart peu avant ou pendant les travaux de construction. 2. Les dépôts dans l’architecture de la fortification. La mise en place de l’ensemble a été effectuée pendant les travaux de fortification. Les objets constituent normalement des ensembles clos en position primaire et irréversible, mais dans le cas où la partie de la fortification concernée s’est effondrée, ils peuvent aussi être récoltés parmi les déblais de celui-ci, c’est-à-dire en position secondaire. 77 Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée Fig. 1. Schéma d’identification pour les objets isolés ou les ensembles d’objets retrouvés au-dessous ou dans l’architecture (à l’intérieur) du rempart. Plus l’on réussit à mettre en évidence de critères valides révélant un traitement particulier (plus l’ensemble analysé se trouve donc à gauche dans le schéma), plus il est probable que l’ensemble identifié soit un dépôt intentionnel. 3 2 2 5 4 1 4 Fig. 2. Positions stratigraphiques des dépôts par rapport aux fortifications. 1: dépôt sous la fortification. 2: dépôt dans l’architecture de la fortification. 3: dépôt enfoui dans la fortification. 4: dépôt dans le fossé ou dans une fosse au pied de la fortification. 5: ensemble découvert dans les environs de la fortification. 3. Les dépôts qui ont été déposés dans la fortification après les travaux de construction, par exemple dans un trou creusé à son sommet, pendant ou après la fréquentation du site. Ces dépôts se trouvent donc en position réversible. Pendant les fouilles, les objets sont mis au jour ou bien en position primaire, là où ils ont été placés originellement, ou bien en position secondaire si le rempart s’est écroulé. Notamment dans ce dernier cas, il n’est pas toujours facile de faire la distinction entre les dépôts du deuxième type (abandonnés dans 78 l’architecture du rempart) et ceux du troisième (enfouis dans le rempart après sa construction). 4. Les dépôts dans le fossé qui longe la fortification ou dans une fosse au pied du rempart. Les objets se trouvent en position primaire et réversible et ont été déposés pendant ou après les travaux de construction, pendant ou après la fréquentation du site. 5. Les ensembles découverts dans les environs immédiats de la fortification (dans un rayon de quelques dizaines de mètres au maximum). C’est la catégorie la plus hétérogène car elle comprend et des objets Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée isolés, et des concentrations d’objets, qui montrent une forte relation avec la fortification, mais dont l’emplacement original est pour la plupart mal connu. Ce mobilier se trouve souvent en position secondaire, étalé par exemple sur les pentes de la fortification. Comme l’unité de ces ensembles n’est pas garantie, nous éviterons d’utiliser le terme « dépôt » pour les qualifier. Il est évident qu’un grand nombre de facteurs naturels et anthropogènes comme la topographie, le type de sous-sol, la technique de construction du rempart, la hauteur exacte de l’emplacement du dépôt dans le rempart, le mode et la durée de dégradation du rempart, le taux d’érosion, la réutilisation du terrain etc. ont une forte influence sur l’endroit où le mobilier est mis au jour en fin de compte par les archéologues (Berger 1995: 52). La position des dépôts D’après ces critères, un corpus de dépôts intentionnels en contexte de fortification peut être constitué dont nous ne présenterons ici que quelques exemples. Toutes les positions stratigraphiques identifiées cidessus sont attestées à la fin du deuxième âge du Fer en Europe au Nord des Alpes: Les dépôts sous la fortification En arasant le talus encore conservé en surface du petit site de hauteur fortifié du Wilzenberg en Allemagne centrale (tab. 1, no. 1), qui entoure une surface d’environ 4 ha, les ouvriers ont mis au jour les fragments de deux épées en fer déformées et quatre fers de lances pliés. Ces armes qui datent de La Tène D se trouvaient côte à côte sur l’ancienne surface sous le rempart, couvertes d’une grande pierre (Beck 1965: 135-141). Sur l’oppidum de Berne-Engehalbinsel en Suisse (no. 2), les fouilles de la partie sud de la fortification interne ont livré une tombe à incinération d’une femme adulte et d’un enfant âgé de deux à cinq ans (fig. 3). Les restes incinérés des deux défunts et quelques fragments métalliques fondus se trouvaient dans une petite urne tournée avec un couvercle. Cette urne était placée dans une fosse ovale, d’un diamètre de 35 cm, qui contenait encore deux autres récipients, de petits tessons de céramique, des charbons de bois, ainsi que de petits fragments d’ossements humains. Tout ce mobilier associé aux restes osseux était également passé sur le bûcher. La fosse pour l’incinération a été creusée dans le niveau de circulation antérieur à la construction du rempart et scellée par plusieurs pierres et recouverte par la terre du talus (Müller-Beck, Ettlinger 1963: 43-54). L’inhumation d’une femme âgée de 35 à 45 ans sans mobilier funéraire (no. 3) reposait quelques mètres plus loin sous le rempart (Müller 1996: 56). Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X Fig. 3. Berne-Engehalbinsel. Tombe à incinération sous le rempart. Echelle 1:10 (d’après Müller-Beck, Ettlinger 1963: fig. 14). Les dépôts dans l’architecture de la fortification Pendant les fouilles de la tour Sud, qui flanque la porte principale de la fortification de l’oppidum du Mont Vully en Suisse (no. 4), les fouilleurs ont mis en lumière la mâchoire inférieure complète d’un bovin d’environ cinq ans au sommet d’une fosse d’implantation d’un des poteaux de la porte, construite vers 120 av. J.-C. (fig. 4). Les deux mandibules étaient disposées verticalement l’une à côté de l’autre avec une inversion gauche-droite, et étaient couvertes des premières dalles de la berme. Selon les relations stratigraphiques, leur mise en place est antérieure à l’installation de la berme et à la mise en place du parement de pierres sèches du mur, mais postérieure au calage des poteaux du front du rempart. Elle est donc sûrement contemporaine à la construction du rempart. Les mandibules montrent des traces de découpe, témoignant du prélèvement de la viande des joues ou d’autres manipulations. L’absence des incisives et l’aspect vermiculé de la surface de l’os indiquent en outre une exposition à l’air libre de la mâchoire ou du crâne du bœuf pendant quelques semaines ou quelques mois avant son enfouissement définitif dans la fosse (Kaenel, Curdy 2005: 237-242). 79 Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée d’usure. Le deuxième rassemblait un bandage de roue déformé, une épée avec son fourreau, une deuxième épée déformée, plusieurs fragments de boucliers, un marteau, une hache, une broche, une pelle à feu et un croc à viande. Le troisième réunissait un marteau, une pince de forgeron, un pied de lance, un grand trident pour la pêche, un bandage de roue pliée, deux crochets de chaudron, une paire de moyeu ainsi qu’une hache. Le mobilier de ces trois lots se complétait car ils contenaient tous des éléments d’un char léger à deux roues. Un quatrième dépôt (no. 8), mis au jour dans les déblais de la fortification, était composé de deux lingots de fer (Urban, Ruprechtsberger 1998: 59-63). Fig. 4. Mont-Vully. Localisation du dépôt au centre de la tour sud (flèche) (d’après Kaenel, Curdy 2005: fig. 1b). Fig. 5. Gründberg. Position des dépôts no. 1 – 3 dans le corpus du rempart sud (d’après Urban, Ruprechtsberger 1998: fig. 2). Sur l’oppidum du Gründberg en Autriche, les fouilles ont révélé trois dépôts d’objets en fer (no. 5-7), de dix à vingt kilogrammes chacun, à l’intérieur du talus en terre du rempart sud derrière le parement externe (fig. 5). Ceux-ci étaient déposés à une distance de 2,5 à 3 m l’un de l’autre. Le premier contenait une clef, cinq frettes de moyeu, deux marteaux et une enclume. En dessous de ces objets se trouvaient trois autres marteaux, une hache, une enclume et deux lingots pyramidaux qui montraient des traces 80 Les dépôts déposés dans la fortification après les travaux de construction De l’oppidum de Stradonice en Bohème centrale proviennent deux dépôts dont l’enfouissement doit être postérieur à la construction de la fortification. Le premier (no. 9), contenant environ deux cents monnaies d’or du type Regenbogenschüsselchen, a déjà été mis au jour fortuitement en 1877 pendant des travaux agricoles. La découverte de ce dépôt entraîna une chasse au trésor sans pareil sur le site et la vente de la majorité des monnaies recueillies, dont seules quelques-unes sont encore conservées aujourd’hui au Musée National de Prague. Selon les témoignages, il était situé dans une « niche » du parement en pierres sèches du rempart qui subdivisait l’oppidum de La Tène finale en deux parties. Ce lieu de découverte pourrait correspondre à l’emplacement d’une poutre verticale maintenant le front du mur (Kellner, Castelin 1973: 110-113). Un clandestin utilisant un détecteur à métaux a trouvé le deuxième dépôt de Stradonice au sommet du rempart interne, à une profondeur de 60 cm sous la surface actuelle (no. 10). Les objets – plusieurs faux et faucilles, un soc d’araire, une hache et d’autres objets indéterminés en fer – gisaient en position horizontale, repartis sur une surface de 70 × 80 cm, très proches les uns des autres. Ils étaient en partie fragmentés et datent de La Tène finale. Le poids total de ce dépôt s’élevait à 5,5 kg (Waldhauser 1995: 418-425). Les deux fortifications de l’oppidum de Heidetränk près d’Oberursel en Allemagne (no. 11) enfermaient un habitat qui s’étendait sur 130 ha en entourant deux collines, la Goldgrube et l’Altenhöfe. Une petite statuette coulée en bronze représentant un cheval a été découverte par hasard dans le rempart de la Goldgrube, enterrée à une faible profondeur (fig. 6). Cette pièce mesure 6,4 cm de long, 6,2 cm de haut et pèse 161 g. L’oreille droite et la queue manquent. Cette statuette peut stylistiquement être attribuée à La Tène finale. A proximité immédiate se trouvaient un poignard et une pointe de flèche du Bronze moyen dont la présence s’explique probablement par le fait que plusieurs tertres du Bronze moyen ont été endommagés lors de l’implantation de la fortification laténienne (Maier 1977: 64-76). Signalons en outre la découverte de plusieurs autres dépôts sur le même site, dont la localisation est pourtant mal Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée Fig. 7. Yverdon-les-Bains. Porte est de l’oppidum. Etoile: position de la statue dans le fossé (d’après Brunetti 2001: fig. 12). Fig. 6. Heidetränk. Statuette d’un cheval en bronze. Echelle environ 1 : 1 (d’après Maier 1977: tab. 12b). connue, étant le fruit de prospections clandestines. Ils semblent tous provenir de l’intérieur de la surface enclose par les fortifications et se composent d’outils agricoles et artisanaux, d’ustensiles de cuisine, d’armes, d’éléments de quincaillerie, de parure et de lingots (Müller-Karpe, Müller-Karpe 1977: 44-45; Kurz 1995: 169, no. 612 A et D). Les dépôts dans le fossé qui longe la fortification ou dans une fosse au pied du rempart Les dépôts provenant de fossés des fortifications ou de fosses creusées à leurs pieds sont fréquents. Le premier a également été mis au jour sur l’oppidum de Heidetränk, sur une terrasse de la pente à 350 m au sud de la porte sud-est. Il contenait 349 quinaires en argent du type Nauheim Steg-Rinne de la fin de La Tène D 1 (no. 12) (Ziegaus 2005: 11-25). L’oppidum d’Yverdon-les-Bains en Suisse (no. 13) est situé au bord du Lac de Neufchâtel et occupait une surface de trois à quatre hectares. Dans le remplissage du deuxième fossé, devant la fortification à proximité de la porte ouest de l’oppidum et de la voie principale menant vers cette entrée, les fouilleurs ont découvert une statue en chêne (fig. 7). Cette statue mesure 70 cm de hauteur et était à l’origine montée sur un socle en bois (fig. 8). Elle représente un personnage masculin qui porte une tunique courte et un torque couvert autour de son cou très allongé. Le bras gauche et une partie du torse ont été endommagés pendant le dégagement de la découverte. Le bras droit, qui est allongé le long du corps, tient un objet circulaire dans la main. Le personnage a les cheveux coupés au carré. Deux creux représentent les yeux, deux lignes étroites les sourcils. Le nez est triangulaire, la bouche consiste en une seule ligne. Le Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X Fig. 8. Yverdon-les-Bains. Statue en bois (d’après Brunetti 2001: fig. 1). menton est très marqué. La dendrochronologie permet de situer l’abattage du bois de la statue à l’an 68 av. J.-C. et l’érection de la fortification aux années 82-80 av. J.-C. Le remplissage du fossé et donc l’abandon 81 Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée de la structure est daté environ du milieu du Ier s. av. J.-C. Outre la statue, le dépôt comptait aussi 38 mandibules complètes (20 gauches et 18 droites) et 19 scapulae fragmentées de bovidés de tous âges. C’est surtout le choix de parties anatomiques distinctes qui attire l’attention : une seule mandibule par animal a été sélectionnée ce qui correspond à environ 35 bovins ou trois tonnes de viande. De plus, on peut s’imaginer que les mandibules manquantes ont été déposées dans le fossé de l’autre côté de la porte qui n’a pas encore été fouillée. Les traces de découpe sur les os montrent que la viande des joues et de la langue a été prélevée. Des traces de carnivores visibles sur certains des ossements attestent qu’ils sont restés pendant un certain temps à l’air libre avant d’être enterrés dans cette portion du fossé (Brunetti 2007: 509-521, Olive 2007: 488-508). A Manching en Bavière, dans le grand oppidum de 380 ha, la sépulture d’un enfant âgé de 6 ans a été fouillée dans le passage sud de la porte est (no. 14). La porte et la voie pavée qui la traversait ont connu trois phases de construction entre La Tène C 2 et D 1 ; la sépulture coupe le pavage de la première phase et fait donc partie de la deuxième phase, qui date de 100 av. J.-C. environ (fig. 9). L’enfant se trouve en position accroupie, la tête orientée vers le nord, et repose sur son côté droit pour « regarder » vers l’intérieur de l’oppidum. Le squelette est bien conservé, sans que la cause de la mort ait pu être déterminée. Il n’était pas accompagné de mobilier funéraire (van Endert 1987: 15-16). Les mêmes fouilles ont donné quelques dizaines d’armes, d’outils, d’éléments de harnachement, de parures et d’ossements animaux et humains (surtout des os longs et des parties de Fig. 9: Manching. Sépulture d’un enfant dans le passage de la porte est (d’après van Endert 1987: suppl. 1). 82 crânes), repartis sur tout le niveau de la voie et dans les trous de poteau de la porte et appartenant à la troisième phase de construction. Deux calottes crâniennes humaines ont été retrouvées dans une caisse en bois située devant la porte est, dont elle barrait le passage (no. 15). Cette caisse – longue de 11 m, large de 5 m et profonde de 1,4 m – a été construite pendant la phase 2 pour être remplie lors des travaux de transformation de la phase 3. Les calottes appartenaient à deux individus masculins, l’un sénile (crâne no. 1963/1227a), l’autre (crâne no. 1963/1227b) âgé d’environ 30 ans. Le premier est mal conservé et perforé sur l’os pariétal droit, presque au centre de la calotte. Cette perforation a été effectuée peu après le décès de l’individu, tandis que les autres fractures se sont produites longtemps après cette date. La conservation prolongée de ce crâne ailleurs dans l’oppidum avant son dépôt devant la porte est donc très probable. Le deuxième crâne montre également une perforation que le patient avait pourtant subie de son vivant et à laquelle il a survécu plusieurs années au moins (Lange 1983: 26. 85-86). La calotte crânienne d’un homme âgé de 50 à 60 ans a également été enterrée devant la fortification de l’oppidum de Kelheim en Bavière (no. 16). Les systèmes de fortification de ce site délimitent une surface de 600 ha et datent de différentes époques, les plus récentes étant de La Tène finale. La calotte a été découverte en position horizontale à 65 cm du front de la phase la plus récente de la fortification laténienne et à 140 cm du front le plus ancien dans une petite fosse peu profonde. La face est orientée vers l’oppidum et montre la trace d’un coup mortel sur le pariétal. L’état de conservation des fractures indique que la calotte n’a pas été déposée à cet endroit juste après la mort à l’état frais, mais après avoir d’abord été suspendue ailleurs (Leicht 2000: 89-90). Six dépôts au moins, principalement composés d’objets métalliques, proviennent de l’oppidum de Pohanská près de Plavecké Podhradie en Slovaquie. Ce site de 49 ha est constitué de deux lignes de fortification datant de La Tène finale qui englobent les deux sommets et les pentes d’une colline. Le premier dépôt en question (IV/89) a été découvert en 1989 à l’intérieur de l’« acropole », directement dans la berme de la fortification (no. 17). Les 35 objets – des entraves, des chaînes, plusieurs faux et haches, un soc d’araire, un couteau, une paire de ciseaux, une lime, un burin, un marteau, les fragments de plusieurs bandages de roue et des éléments de char, le bras d’une balance, un poids en pierre, des anses, des anneaux et une clef – étaient disposés de façon parallèle sur une surface de 70 cm sur 30 cm, ce qui montre qu’ils étaient mis en place dans une caisse rectangulaire en bois à l’origine (fig. 10) (Paulík, Tomčiková 2005: 85-122). Un autre dépôt (II/68) est également associé au rempart car il se trouve dans une fosse creusée dans la roche, en face de la porte permettant l’accès à l’« acropole » (no. 18). Sa composition est semblable à celle du dépôt précédent mais moins riche: il contient deux haches, deux anneaux et une enclume montrant des traces d’usure (Paulík 1976: 25-26). Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée Les concentrations d’objets dans les environs immédiats de la fortification devant la porte 4, séparées par des bandes de terrain presque vides (Rittershofer 2004: 25-28). Des objets isolés ou des concentrations d’objets sont fréquemment récoltés en surface à proximité immédiate des fortifications sur les pentes (à quelques dizaines de mètres au maximum). Beaucoup d’entre eux font apparemment partie des « special deposits » mentionnés ci-dessus, caractérisés par une mise en place progressive du mobilier pendant une période plus ou moins longue. La concentration d’objets (dite « Massenfund » en allemand, c’est-à-dire « trouvaille en masse ») attestée sur la pente sud-ouest de la fortification de hauteur d’Altenburg-Niedenstein en Allemagne centrale (no. 19) par exemple semble avoir été constituée tout au long de l’histoire de l’occupation du site (fig. 11). Celui-ci, large de 15 ha, fut déjà fondé et fortifié pendant La Tène moyenne (La Tène C2), au début du IIe s. av. J.-C., et occupé jusqu’à la fin de la première moitié du Ier s. av. J.-C. (La Tène D1). L’ensemble d’objets métalliques mis au jour devant la fortification entre 1987 et 1990, d’abord par des clandestins puis par des fouilles programmées, correspond à cette période. Il réunit quatre points de flèche, 43 fragments d’épées pliées ou martelées, 28 fers de lance (donc beaucoup étaient tordus), quinze pieds de lance, un fragment de bouclier, trois fragments d’une chaîne, 39 anneaux, quinze clous, cinq crochets, deux limes, un burin, une enclume, six couteaux, un soc d’araire, un fragment de sceau, trois clefs, deux lingots de fer, dix mors de cheval, un fragment de bandage de roue, quatre fibules et cinq crochets de ceinture. Les objets sont situés dans ou directement sous l’humus, tandis que des structures associées n’ont pas été découvertes (Söder 2004: 107-111). L’oppidum du Dünsberg, près de Biebertal-Fellingshausen en Allemagne centrale, présente une situation analogue. Cette agglomération – densément occupée à La Tène moyenne et finale (entre La Tène C 1 et D 2) – est constituée de trois fortifications qui enferment une surface totale de 90 ha. Devant la porte 4 de l’oppidum, presque 250 objets métalliques, ainsi que quelques tessons de céramique ont été ramassés (no. 20). Ce lot se compose de fragments d’épées, de fourreaux d’épées, de pointes de lance et de flèche, de pieds de lances, d’umbos de bouclier, dont beaucoup étaient volontairement mutilés, de fragments d’une cotte de mailles, d’éléments de char, d’au moins deux ensembles de harnachement de cheval (constitués par des éléments en fer et en bronze émaillé et décoré d’applications plastiques), d’éléments de parure, de monnaies et d’ustensiles domestiques (fig. 12). Le sol étant très acide sur ce site, les seuls restes osseux conservés sont quelques dents de cheval, associés à des fragments de cuir. La découverte du Dünsberg est également due à l’utilisation illégale de détecteurs à métaux, mais les fouilles programmées effectuées par la suite n’ont pas non plus livré de structures, à l’exception de quelques trous de poteau. Les objets, dont la datation correspond à celle de l’occupation de l’oppidum, se trouvent étalés jusqu’à une profondeur de 60 cm sous le sol actuel. Il est néanmoins possible d’identifier plusieurs concentrations de mobilier La nature des dépôts : quelques pistes d’interprétation Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X Quelle que soit leur localisation précise, les dépôts retrouvés dans les fortifications sont, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, le plus souvent considérés comme des pertes fortuites ou des caches contenant des objets de valeur, des outils, des produits finis ou semi-finis liés aux activités commerciales ou des stocks de métal destinés à la refonte etc., mis à l’abri pour les protéger ponctuellement, mais que l’on souhaitait reprendre plus tard, (par exemple Cosack 2008: 92-103). Cette interprétation repose sur deux hypothèses: premièrement, comme ces dépôts sont souvent constitués d’objets utilitaires, comme des monnaies, des lingots de fer, des outils agricoles et artisanaux ou des ustensiles de cuisine, ils devaient aussi avoir un caractère fonctionnel et « commercial » (Kurz 1995: 121). Deuxièmement, beaucoup de chercheurs ont tendance à utiliser la réversibilité voire l’irréversibilité des dépôts comme critère pour faire la distinction entre les dépôts profanes d’un côté et les dépôts votifs de l’autre. Dans ce sens, les dépôts découverts en milieu terrestre et surtout ceux situés dans les habitats sont interprétés comme étant des réserves de matières premières, des stocks de métal, des trésors monétaires etc. Les dépôts abandonnés dans des lieux naturels difficilement ou pas du tout accessibles (tourbières, fleuves, failles, cols de montagne etc.) sont, en revanche, mis en relation avec des offrandes ou des équipements personnels pour l’au-delà (par exemple Hänsel 1997: 13-14, Capelle 2007: 240-243). H. Geißlinger a à juste titre déjà mis en doute ce point de vue: même des milieux hostiles et impénétrables comme les tourbières ont toujours été fréquentés et exploités par les hommes et pouvaient être des endroits très appropriés pour cacher temporairement des biens de valeur (Geißlinger 2004: 459-489). En outre, les dépôts étudiés dans cette contribution fournissent un autre argument pour rejeter cette interprétation « traditionnelle ». Ils ont tous été retrouvés en milieu terrestre, mais beaucoup – ceux placés sous ou dans l’architecture les remparts – se trouvent malgré tout en position irréversible. Leur récupération, qui était difficile mais possible d’un point de vue technique, aurait entraîné la destruction de la fortification. Ceux enfouis dans une levée de terre ou déposés dans des fosses à ses pieds, dans les fossés ou à proximité immédiate de ces dernières se trouvaient, en revanche, en position réversible et étaient très faciles à récupérer. Selon toute probabilité, les concentrations d’objets étalés sur les pentes des fortifications, attestées à AltenburgNiedenstein ou Dünsberg, étaient même visibles à la surface du site. E. Cosack a proposé de voir dans ces trouvailles, récoltées en grand nombre en surface ou enfouies dans des fosses sur les sites de hauteur fortifiés d’Allemagne centrale, des objets cachés hâtivement ou perdus lors de la fuite précipitée d’assiégés pendant une attaque (Cosack 2008: 101-120). Cette explication paraît pourtant peu convaincante. 83 Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée Même si les véritables propriétaires de ce mobilier n’étaient plus capables de sauver leurs biens, les assaillants victorieux ou des ferrailleurs venant ensuite se seraient sûrement intéressés à ces objets encore utilisables ou au moins recyclables. Certains objets de petite taille ou des trésors bien cachés ont bien sûr pu échapper aux pilleurs, mais cette supposition n’explique pas l’accumulation d’une quantité aussi importante de métal sur les fortifications étudiées ici. Il est plus probable que ce mobilier était destiné à rester pour toujours sur place. Faire la différence entre les dépôts temporaires, dont le prélèvement était prévu, et les dépôts permanents, avec pour objectif l’abandon intentionnel et définitif, semble à cet égard plus pertinent que la distinction habituelle entre dépôts réversibles et dépôts irréversibles (Geißlinger 2002: 130-131). Nous y reviendrons plus tard. Certes, la découverte d’un seul objet, même complet, en contexte de fortification peut être le fruit du hasard, due à une perte accidentelle. Nous pouvons facilement nous imaginer qu’un ouvrier a oublié un outil utilisé pendant les travaux de construction sur le lieu de travail, parce qu’il n’a pas fait attention. Cette hypothèse pourrait par exemple être valable pour une pince de forgeron découverte seule et sans disposition particulière dans la masse du rempart inférieur II d’Altenburg-Niedenstein (Söder 2004: 105). En raison des datations qui ne sont pas suffisamment précises, il est en outre souvent difficile de déterminer combien de temps s’est écoulé entre la mise en place d’un dépôt et l’érection de la fortification au-dessus de ceux-ci : plusieurs jours, plusieurs semaines, plusieurs années voire décennies ? Cette restriction vaut entre autres pour les outils métalliques qui ont peu de valeur chronologique – certains types, comme les marteaux ou les haches, ont perduré quasiment sans changements typologiques majeurs de l’âge du Fer au début de la période romaine ou même au Moyen Age (Henneberg, Guillaumet 1998-1999: 493). La sépulture découverte sous le talus de Berne-Engehalbinsel (no. 2) était certainement encore visible en surface quand le rempart a été implanté au-dessus de celle-ci, mais nous ignorons si cette superposition était importante pour les constructeurs ou non. Ces cas montrent qu’il n’est pas toujours aisé d’interpréter ce genre de données. Nous ne souhaitons pas non plus exclure définitivement la possible existence de cachettes temporaires d’objets de valeur sur les sites de hauteur fortifiés, la protection de ses ressources faisant partie des plus importantes techniques de survie des hommes (Geißlinger 2002: 127-128). Néanmoins, la fréquence avec laquelle on retrouve des dépôts se ressemblant et présentant les mêmes caractéristiques – non seulement à plusieurs reprises sur un seul site, mais encore sur différents sites parfois très éloignés l’un de l’autre – nous conduit à penser que leur enfouissement était soumis à des règles bien précises et normées. Ces normes se manifestent en premier lieu, nous l’avons déjà vu, au niveau de la position des dépôts ou des concentrations d’objets. Ils se trouvaient directement au-dessous des fortifications, enfouis dans le niveau de circulation précédant l’installation des remparts ou reposant sur ce niveau de circulation; dans l’architecture des fortifications; enterrés dans les 84 remparts après leur construction; dans les fossés des fortifications; dans des fosses creusées à leur base ou encore repartis en surface devant les fortifications, à une distance de quelques mètres de celles-ci. Sur le Gründberg, les trois premiers dépôts étaient même placés à intervalles réguliers dans le rempart. Les portes des sites fortifiés constituaient apparemment un lieu de prédilection pour l’emplacement des dépôts, mais cette constatation est peut-être due au fait que beaucoup de fouilles archéologiques se sont concentrées sur les entrées des fortifications. En deuxième lieu, plusieurs dépôts sont caractérisés par un aménagement ou une disposition particuliers. Ils sont par exemple conservés dans une caisse (Pohanská, no. 18) ou présentent une inversion droite-gauche comme les mandibules du Mont-Vully (si on ne veut pas attribuer cette inversion à une méconnaissance anatomique de la part des acteurs). L’enfant mis au jour dans le passage de la porte de Manching, tout comme le crâne humain découvert devant la fortification de Kelheim étaient orientés vers l’intérieur de l’habitat. Le nombre d’objets par dépôt varie entre un seul et plus de 300 pour les exemples étudiés, mais leur composition révèle, en troisième lieu, une certaine homogénéité. On note une prépondérance très nette des objets métalliques et notamment des objets en fer. Exception faite des dépôts monétaires, ce sont surtout les armes qui occupent une place prééminente parmi les catégories fonctionnelles présentes dans les dépôts. Les éléments appartenant à la quincaillerie et l’instrumentum sont également fréquents, en raison du nombre élevé de petites pièces retrouvées qui faisaient originellement partie de coffres, caisses ou meubles en bois aujourd’hui disparus. Outre cela, tous les domaines de la vie sont représentés dans les dépôts découverts en contexte de fortification, mais une prédilection pour l’outillage, tantôt artisanal, tantôt agricole, est évidente. Les ossements animaux ont également été sélectionnés selon des règles strictes, aussi bien au niveau de l’espèce que des parties choisies. Au Dünsberg, il s’agit de dents de cheval, retrouvées associées à de riches éléments de harnachement et des fragments de cuir. Etant donné l’acidité du sol, on peut supposer que ce sont les maigres restes des crânes ou têtes de chevaux bridés, exposés devant une des portes principales de l’oppidum (Schulze-Forster 2002: 141-145). Les dépôts d’ossements animaux du Mont Vully et d’Yverdon-lès-Bains contenaient tous les deux des ossements de bœuf, des mandibules et des scapulae. La même espèce, le bœuf, jouait également un rôle très important dans le cadre des sacrifices accomplis dans plusieurs sanctuaires gaulois de La Tène moyenne et finale. Notamment les têtes ou des morceaux de celles-ci y étaient l’objet de différentes pratiques religieuses (Brunetti 2007: 518-519. Voir aussi Méniel 1985: 125-146, Méniel 2008: 152-155). En quatrième lieu, certains objets provenant des dépôts analysés ont subi un traitement particulier. Celui-ci varie selon les catégories fonctionnelles : tandis que les outils sont souvent complets, les éléments de char et l’armement montrent pour la plupart ses traces de destruction volontaire et violente, par bris, Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée torsion ou pliage. Ces manipulations rappellent celles du mobilier métallique provenant des sanctuaires gaulois de La Tène moyenne et finale, en particulier celles de l’armement de Gournay-sur-Aronde (dép. Oise, Picardie, F) (Brunaux et al. 1985: 118-123, Brunaux, Rapin 1989, 47-53. 109-113) et celles de La-Villeneuve-au-Châtelot (dép. Aube, ChampagneArdennes, F) (Bataille 2008: 149. 155-170). Tous ces éléments récurrents, ainsi que les ressemblances observées avec le mobilier issu des sanctuaires gaulois, portent à croire que la grande majorité des dépôts étudiés dans cette contribution ont un caractère intentionnel et permanent et qu’ils peuvent donc être mis en relation avec des activités non seulement normées, mais encore ritualisées. Un rituel est un acte accompli dans le monde terrestre selon des règles définies par la tradition pour avoir un effet dans ou sur un autre monde (l’au-delà). L’efficacité transcendantale des gestes est garantie seulement par le strict respect de ces règles formalisées (Trachsel 2008: 1-2). L’archéologie, quant à elle, ne peut pourtant saisir que le dernier maillon de cette chaîne d’activités normées qui se manifestent à travers une répétition des mêmes contextes de découverte, des mêmes gestes de sélection et de manipulation et dont la formalisation s’explique difficilement par des raisons pratiques (Renfrew 1985: 11-21, Müller 2002: 3, Trebsche 2008: 69). Dépôts de fondation, dépôts d’abandon, trophées ou...? L’interprétation des données Ayant ainsi identifié les dépôts découverts en contexte de fortification comme des restes issus de pratiques rituelles, nous essaierons maintenant de déchiffrer leurs significations. En général, les sources archéologiques permettent seulement d’étudier le lieu et le mobilier impliqués dans les rites, ainsi que les activités qui les ont physiquement changé (Trachsel 2008: 2-3). Or, dans le cas des dépôts associés aux fortifications, nous nous retrouvons dans une situation privilégiée: beaucoup plus de détails quant au déroulement de ces rites se révèlent, notamment en ce qui concerne le moment auquel ceux-ci ont eu lieu et aux acteurs concernés. La date de la déposition des dépôts est déterminée en fonction de leur position par rapport à la fortification. Nous avons déjà évoqué ci-dessus que les dépôts retrouvés au-dessous ou dans l’architecture du rempart ont été déposés à cet endroit peu avant ou pendant les travaux de construction. Ils sont donc à mettre en relation avec l’érection de la fortification, soit avec sa fondation, soit avec des phases de transformation. Par conséquent, ils peuvent être regroupés sous le terme générique de « dépôts de fondation » qui désigne non seulement les dépôts découverts en contexte de fortification, mais encore tous ceux associés à n’importe quel type de construction, notamment à des bâtiments (Beilke-Voigt 2007: 48-52). Seule l’analyse fine de chaque contexte et de la composition de chaque dépôt permettra ainsi de préciser, dans le meilleur des cas, les motifs – protection ou signalisation d’une propriété, déposition des Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X restes d’une consommation collective, rite à caractère apotropaïque, etc. – ayant eu pour résultat leur enfouissement (Trebsche 2008: 73-75). Les dépôts découverts enfouis dans le rempart, dans les fossés ou des fosses associés à la fortification sont postérieurs à sa construction et y ont été placés pendant la fréquentation du site. Ils pourraient donc indiquer des activités rituelles effectuées pour protéger les limites du site et ses occupants. Les ensembles déposés à la fin de ou après l’occupation du site témoignent peut-être de rites de condamnation, intervenant au moment de l’abandon voire de la destruction de la fortification. Malheureusement, la datation précise des étapes de construction des fortifications, ainsi que la datation des dépôts (voir ci-dessus) s’avère souvent difficile. L’accumulation d’un grand nombre d’objets, en partie achevés et utilisables, en partie volontairement mutilés, à certains endroits dans les environs des fortifications pendant une période plus ou moins longue signale que des activités rituelles étaient parfois pratiquées à plusieurs reprises, voire régulièrement. Le fait que la plupart de ce mobilier a été retrouvée dispersée en surface et ramassée d’abord par des clandestins ne facilite certainement pas son interprétation. On peut toutefois s’imaginer qu’il était antérieurement exposé à l’air libre, par exemple sur les portes ou sur des constructions particulières situées devant les fortifications, à la manière des trophées connus dans le monde gréco-romain (Müller 1990: 106-110, Müller 2007: 361-476). Cette exposition ouverte permettant l’accès facile à des objets qui avaient sans doute une valeur (réelle et symbolique) considérable souligne encore leur caractère sacré (Geißlinger 2002: 136): on ne voulait pas les toucher ou les enlever, peutêtre il était même interdit de les emporter. Plusieurs textes antiques, dont un fragment de la « Bibliothèque historique » de Diodore de Sicile transmis par Poseidonius, témoignent cette inviolabilité des objets offerts en offrandes aux dieux chez les Celtes: « Il y a un fait particulier et incroyable chez les Celtes d’en haut (du nord) concernant les enceintes consacrées aux dieux. Dans les sanctuaires et dans les enceintes sacrées érigées dans ces régions, on a jeté beaucoup d’or en offrandes aux dieux, et aucun des habitants ne s’en empare par crainte des dieux, bien que les Celtes aiment l’argent à l’outrance .» (Diodore V, 27, 4. Cité d’après Brunaux 2000: 247. Voir aussi César, Bellum Gallicum VI, 17 et Strabon, Géographie IV, 1, 13). L’identité de la ou des personnes qui ont déposé les ensembles en question reste pour toujours énigmatique. Cependant, l’emplacement des dépôts permet d’identifier les personnes concernées par ces actes. L’édification d’une fortification longue de plusieurs centaines de mètres voire de kilomètres était incontestablement l’oeuvre d’une communauté, nécessitant la collaboration d’un groupe de personnes plus ou moins grand. Par conséquent, les dépôts liés à la construction, l’utilisation, l’entretien et l’abandon de ce monument n’avaient pas de caractère individuel, mais sûrement un caractère collectif – même si ces travaux avaient été commandés et/ou dirigés par un seul individu. La quantité de vestiges parfois accumulés rend cette hypothèse d’autant plus probable. 85 Caroline von Nicolai, Pour une « contextualisation » des dépôts du deuxième âge du Fer en Europe tempérée Ces rites effectués par une communauté aux limites du site qu’elle occupait pouvaient contribuer à créer une identité collective et à consolider la cohésion sociale du groupe – mais l’absence de textes au Nord des Alpes pendant cette période ne permet pas d’aller plus loin dans l’interprétation. Beaucoup de sociétés antiques pratiquaient des rites en relation avec la fondation des villes et avec la fixation, la protection et la purification de leurs limites. Connus pour les Romains et les Etrusques notamment sous la forme du pomerium (par exemple Magdelain 1976: 71-109, Gros 1996: 26-27, Grassigli 2005: 294-295), ils sont aussi attestés dans le monde grec (Weikert 2002: 44-45) et celtibère (Alfayé Villa 2007: 9-41) et prennent des formes variées selon les régions et les périodes concernées. En Europe tempérée, ces processus rituels se matérialisent à la fin du deuxième âge du Fer vraisemblablement à travers le dépôt ou l’exposition d’objets divers – armes et outils métalliques, ossements animaux et humains etc. – et de sépultures dans ou à proximité des remparts, des portes et des fossés. En témoignent aussi les découvertes similaires réalisées dans les îles britanniques (Ralston 2006: 134-142). Tous ces indices laissent supposer que les fortifications protohistoriques au nord des Alpes avaient non seulement une fonction défensive et ostentatoire, mais encore symbolique (Fichtl 2005: 55-72) et même rituelle, séparant ainsi l’intérieur de l’extérieur, la « ville » de la campagne. Conclusion Ce rapide tour d’horizon est loin d’être exhaustif et ne permet pas encore de tirer des conclusions définitives, mais il montre déjà l’importance et la complexité d’un phénomène rarement abordé jusqu’à présent. Les dépôts associés aux fortifications sont 86 fréquents en Europe tempérée à la fin de l’âge du Fer. Ils apparaissent sous des formes variées et remplissent certainement des fonctions diverses. Leur signification ne se révèle pourtant qu’en analysant d’abord de façon détaillée leurs contextes d’enfouissement, souvent négligés dans les modèles actuels, avant de procéder à l’étude des modalités de sélection, de manipulation et de la chronologie du contenu. Beaucoup de ceux découverts en étroite relation avec les fortifications mêmes – au-dessous du rempart, inclus dans le corps du rempart, dans des fosses et des fossés à sa base etc. – peuvent probablement être considérés comme les derniers témoins de certains rites pratiqués aux limites des sites fortifiés. Les études en cours s’attacheront à préciser leur milieu d’enfouissement, le moment, le déroulement et les intervenants des gestes observés, afin de mieux comprendre le rôle que ces rites ont pu jouer dans la définition, la délimitation, l’occupation et l’abandon des sites fortifiés et de réfléchir sur les principes qui ont guidé la fondation et l’organisation de ces sites. Bien que limitée à une certaine région et à une certaine période de la protohistoire européenne, cette contribution espère pouvoir livrer quelques réflexions méthodologiques qui pourraient aussi se montrer utiles pour la compréhension d’autres exemples situés ailleurs. Caroline von Nicolai Institut für Altertumswissenschaften der Justus-LiebigUniversität Giessen Klassische Archäologie Otto-Behaghel-Str. 10 D-35394 Giessen Tel.: 0049(0)6419928051 caroline@von-nicolai.de École pratique des Hartes Études Paris 2, rue Vivienne F-75002 Paris Revista d’Arqueologia de Ponent 19, 2009, 75-90, ISSN: 1131-883-X